Tout d'abord, laissez-moi vous décrire ce qu'est un chien harceleur, comment lire les signaux qui vous font comprendre que le vôtre l'est peut-être et donc ce que cela signifie.
Un chien harceleur, c'est un chien qui ne sait pas lire les signaux envoyés par un autre chien ou qui est bien trop pris par ses émotions pour y réagir de façon correcte. C'est un chien qui, comme le mot « harceleur » l'indique, va aller harceler ses congénères. On peut voir plusieurs situations dans lesquelles un chien va harceler un congénère et dans chacune d'entre elles, il vaut mieux intervenir au plus vite.
Pour autant, attention, « harceleur » n'est pas un adjectif qualificatif en soi. Un chiot ou un chien peut tout à fait se montrer harceleur dans une situation sans pour autant l'être dans une autre. Ici, tout dépendra des rencontres que vous choisirez pour votre chiot ou votre chien.
Pour savoir si votre chien en harcèle un autre dans une situation en particulier, regardez attentivement : le caractère répétitif des comportements qu'il propose, la réaction du chien d'en face (s'il tente de s'éloigner, s'il ne répond pas à la demande d'interaction, s'il montre les crocs en cherchant à l'éloigner, c'est qu'il n'est pas à l'aise et qu'il a besoin d'aide pour se faire comprendre) mais aussi le nombre de chiens impliqués dans les interactions (à deux sur un jeu, ça passe, à trois parfois plus du tout).
Et voici une petite liste non exhaustive des comportements généralement utilisés par les chiens harcelants leurs congénères, de sorte à ce que vous puissiez vous en faire une idée plus précise.
LES ABOIEMENTS
Les chiens entre eux peuvent être amenés à aboyer, c'est un comportement naturel qui sert à exprimer une émotion. Ce n'est pas une mauvaise chose si ce comportement n'est pas subi par un congénère. Je m'explique : Kiki et Médor sont de supers copains, et ce depuis toujours. Pourtant, parfois, Kiki ne veut pas jouer et ne répond donc pas aux appels au jeu de Médor. Médor décide donc d'aboyer à fond sur Kiki pour que ce dernier réponde à ses appels au jeu. Ce qui risque grandement d'agacer Kiki et le pousser à agir pour faire taire son copain. Copain un peu chiant quand même soit dit en passant.
Que faire alors quand Médor se met à aboyer sur Kiki ? Eh bien on le redirige sur autre chose directement pour qu'il ne pense plus à Kiki, de sorte à ce qu'il le laisse tranquille. Et bien entendu, la meilleure chose à faire est d'anticiper. Lorsqu'on voit que Médor commence à tourner un peu trop autour de Kiki et qu'on voit que Kiki, lui, s'en fiche totalement, on détourne l'attention de Médor. Par exemple, on fait un jeu de tug s'il a vraiment besoin de décharger son émotion avant de repasser sur une activité calme ou on fait une dispersion de friandises dans l'herbe pour le faire redescendre en excitation directement. En résumé, on fait en sorte qu'il arrête d'enquiquiner le pauvre Kiki qui va finir par avoir des oreilles grosses comme ça.
LE CHEVAUCHEMENT
Parce que ça aussi, c'est quand même hyper galère pour les chiens qui le subissent : le chevauchement. C'est un grand mot pour en fait un loulou qui zigue son poto. Alors rien de sexuel là-dedans dans la majorité des cas, à part bien sûr si on parle d'un mâle entier avec une femelle en chaleurs et dans ce cas... Retirez tout de suite Kiki de sa copine Choupinette ou vous allez vous retrouver avec tout un tas de Kikipinette dans deux mois ! Ceci étant dit : à part dans cette situation précise, il n'est généralement pas question de contexte sexuel.
Le chevauchement arrive généralement lorsqu'il y a un trop plein d'émotions chez un chien, peu importe laquelle : excitation, stress, frustration, etc. Sauf que parfois, ça arrive quand Médor est avec des copains et donc ça ne se passe pas forcément très bien. Il faut dire que les copains n'aiment généralement pas trop se faire ziguer par un grand fou de labrador un peu pataud. Alors pourquoi Médor semble autant au taquet sur le derrière des potos ?
Parfois, un copain ne veut pas jouer avec Médor et donc, Médor vit très mal cette situation, il entre dans un état de frustration qu'il ne gère pas. Il va donc tenter de décharger cette émotion, tout en cherchant à avoir malgré tout l'attention de son copain chien, en le chevauchant. Ce n'est clairement pas le meilleur des moyens pour avoir l'attention d'un copain mais lui, de son côté, pris par la frustration, n'est pas forcément en capacité de proposer un autre comportement. Autant dire que si Médor fait ça sur Kiki plusieurs fois pendant la promenade, il est fort probable que Kiki lui montre les dents, grogne, et finisse par le niaquer sévèrement. Et si Médor ne comprend pas ou n'est pas en capacité émotionnelle de comprendre, ça peut finir en baston.
Si vous voyez une tentative de chevauchement de Médor, ne le disputez pas, n'élevez pas la voix, ce n'est pas la peine ! Et disputez encore moins le pauvre Kiki qui grogne, le pauvre subit déjà le comportement de son copain alors si en plus vous vous y mettez aussi... Votre chien gère mal son état émotionnel du moment, pas la peine d'en rajouter une couche. Au lieu de ça, dès que vous le repérez en train d'aller au chevauchement sur Kiki, rappelez-le et proposez-lui une autre activité, de sorte à ce qu'il oublie jusqu'à l'idée même d'aller demander de l'attention à son copain.
LA COURSE POURSUITE
Quel super jeu que celui de poursuivre et de se faire poursuivre ! Mais attention à ce que ça ne tombe pas dans du harcèlement d'un des chiens qui y prennent part. Lorsque les chiens sont deux, on repère assez facilement si c'est un jeu sain : les rôles s'inversent, le chien poursuivi vient redemander le jeu, la queue n'est pas entre les pattes arrières, en bref tout se passe pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Là où une alerte doit arriver dans notre cerveau d'humain, c'est lorsque le chien poursuivi l'est tout le temps, si sa queue est constamment basse ou carrément plaquée contre ou entre ses pattes arrières, et s'il exprime des signaux flagrants d'inconfort (oreilles en arrière, raideur du corps, etc.). Il peut même arriver que le chien harcelé pendant le jeu se couche, se mette sur le dos, pour que la poursuite s'arrête et que l'autre chien cesse ce qu'il est en train de faire. Si vous apercevez une scène comme celle-ci, votre devoir est de l'arrêter aussi vite que possible, de sorte à ce que le chien harcelé ne garde pas une mauvaise expérience de ses interactions avec le chien en question.
Une attention particulière doit être de mise également lorsqu'il y a plus de deux chiens. En effet, lorsque lors d'un jeu de poursuite, deux ou trois chiens se mettent à en poursuivre un seul, ce dernier ne gère généralement pas du tout le jeu et il faut l'arrêter assez rapidement. Deux chiens ou plus sur un seul, la vigilance doit être de mise et le jeu stopper si un effet de groupe se produit.
Je prends un exemple tout bête : Kiki et Médor ont un autre copain, Choupi. Choupi est du genre assez joueur, bien codé aussi, et il aime beaucoup ses deux potos. Pendant un jeu de poursuite, Médor s'amuse à courser Choupi qui en redemande avec joie. Puis, Kiki arrive dans la mêlée et fait monter la pression. Choupi ne gère alors plus du tout le jeu et cherche à accélérer, non pas pour s'amuser, mais bien parce qu'il veut échapper à Kiki et Médor. Il finit par se prendre les pattes dans l'herbe et en profite alors pour se mettre directement sur le dos en ajoutant à sa position des tas de signaux qui trahissent son stress : tension des muscles, léchages de truffe répétés, blanc des yeux visible, oreilles basses, queue entre les pattes, ou même grognements et pincements sur les copains, qui ne sont alors plus du tout des copains dans cette situation mais des chiens harceleurs.
Dans ce cas précis, on fait en sorte de rappeler les chiens et on les fait redescendre en pression avec une activité de flair ou même avec un jeu avec nous, de sorte à ce qu'ils se désintéressent totalement du copain harcelé en premier lieu. Le but de la manœuvre est que ce dernier puisse reprendre contenance et redevenir serein par la suite.
Ces trois comportements ne sont pas les seuls qui peuvent être utilisés par un chien harceleur, certains vont mettre des coups de patte à répétition sur le dos des copains, d'autres vont tirer les oreilles pour avoir l'attention d'un poto, lui tourner constamment autour alors que l'autre chien tente de les chasser, le garder plaqué au sol alors que le congénère souhaite se relever... Eh oui, il y a beaucoup de façons différentes d'enquiquiner un copain qui ne veut pas du tout jouer ! Le tout, c'est de justement réussir à faire décrocher son chien pour qu'il arrête son comportement.
Bien entendu, s'il est incapable de décrocher du copain chien, rattachez-le et permettez-lui de revenir progressivement au calme. Evitez-lui la mauvaise expérience d'être défoncé par un copain maladroit, il en garderait une fort mauvaise expérience.
ET DES SOLUTIONS ALORS ?
Si vous avez un chiot, faites-lui voir des congénères capables de faire leur vie de leur côté sans être dans le jeu constamment, et donc capables de mettre des limites à un jeunot. Si votre chiot tente d'être constamment sur leur dos et qu'ils l'ignorent, voire qu'ils montrent progressivement d'autres signaux comme des léchages de truffe, du détournement, des grognements, le fait de dévoiler leurs dents, etc., laissez faire si vous voyez que votre chiot finit par décrocher. Dans le cas où il ne décroche pas, dirigez-le sur une autre activité plus constructive, comme le fait de flairer à un endroit super top où vous aurez déposé quelques friandises.
N'hésitez pas à rattacher votre chiot s'il ne s'arrête pas pour pouvoir faire une remise au calme. Le but de la manœuvre n'est pas qu'il se fasse cartonner par un chien adulte mais bien qu'il apprenne que le fait de frustrer et de harceler par des demandes de jeu n'est absolument pas nécessaire, au contraire ça ne mène à rien.
On évitera de laisser votre chiot avec uniquement d'autres chiots ou jeunes chiens qui ne se contrôlent pas encore très bien et qui n'arrêtent pas de jouer, ça ne lui apprendra pas les limites de la tolérance des congénères. Au contraire, il ne comprendra d'ailleurs pas du tout la raison pour laquelle certains copains ne veulent pas jouer alors que ceux qu'il voit habituellement ne s'arrêtent jamais ou presque. Ainsi, faites-lui voir des adultes équilibrés, bien codés, qui sont du genre à faire leur vie tranquillement.
Tentez de lui en faire voir assez pour qu'il généralise son comportement et qu'il ne soit donc pas tenté de harceler certains congénères et pas d'autres. Et n'oubliez pas que les adultes équilibrés ne sont pas volontaires pour mettre des limites à un jeunot tout le temps, ainsi ne leur mettez pas le même chiot dans les pattes constamment, leur tolérance aura de plus en plus de limites, ce qui serait dommage. Alternez les chiens adultes équilibrés, généralisez le comportement de votre chiot, et n'hésitez pas à le rediriger s'il insiste malgré des limites bien visibles d'un adulte.
Privilégiez des rencontres calmes, guidez parfois votre chiot sur le fait de renifler des odeurs en présence de congénères en dispersant des friandises au sol par exemple. Ainsi, vous lui permettrez également d'acquérir un signal de communication très fort : le fait de renifler le sol. C'est un signal qui signifie tout simplement « je viens en paix, je ne cherche absolument pas le conflit » face aux congénères. Autant dire que c'est le genre de signal très important qu'il vaudrait mieux qu'il ait par la suite lors des rencontres, parmi d'autres.
Et si votre chien est déjà adulte, non ce n'est pas trop tard, mais permettez-lui de mieux gérer ses émotions et anticipez ses montées en excitation avec les congénères, de sorte à le rediriger à temps. Surtout, n'hésitez pas à vous faire aider par un(e) professionnel(le) en méthode bienveillante et respectueuse, parfois il faut juste un petit coup de pouce pour que tout aille beaucoup mieux !
Pour cet article, merci à Fanny d'avoir bien voulu que la photo de son chien Toruk (le loulou tout noir) soit utilisée !
© Toutougether - Nicoline Droogmans
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