Choisir d'adopter en refuge.
- Nicoline Droogmans
- 25 mars
- 5 min de lecture
Adopter un chien, c'est un plongeon dans l'inconnu. C'est aller en refuge, ouvrir la porte d'un box et y découvrir un être sensible ayant du vécu. Vous pouvez aussi bien tomber sur un chien que l'humain n'a jamais respecté, qui pourra réagir pour un « rien » comme sur un chien qui sera complètement éteint. Vous pouvez faire la connaissance d'un chien qui aura vécu dans un foyer où on l'aura compris, de la même façon que vous pouvez rencontrer un individu qui n'aura eu de cesse d'être puni à grand renfort de saccades et de cris. Vous n'adopterez jamais une page vierge, une tabula rasa comme dirait Platon. Au contraire, vous ferez la rencontre d'un de ces individus qu'un énième refuge héberge, ça sera alors à vous de le comprendre en évitant toute confrontation.
Si vous avez décidé d'accueillir un chien de refuge, dites-vous bien ceci : il aura passé des jours, des semaines, des mois, parfois des années, dans un environnement hautement anxiogène. Ils sont rares ceux à pouvoir dormir sur leurs deux oreilles, à ne pas être réveillés par leurs congénères et par le manque de sécurité éprouvé de jour comme de nuit. Vous accueillerez chez vous un individu avec ses forces et ses faiblesses, ses sensibilités, ses expériences passées. N'ayez pas d'attente, ne vous dites pas qu'il faudra qu'il sache faire ceci ou cela. Imaginez-vous sortir d'un endroit où vous ne vous sentez jamais en sécurité, où le stress est toujours à son paroxysme, où vos besoins ne sont pas comblés, où vous voyez des têtes connues et inconnues tous les jours de votre vie. Imaginez à quel point un passage par la case refuge est dur pour un chien et surtout, gardez-le en tête quand il arrivera chez vous.
Je vois encore trop souvent des gens demander au chien qu'ils ont l'intention d'adopter ce fameux « assis », voire le fait de donner la patte. A partir de là, certains diront : « il est éduqué », uniquement parce que ce chien pose son postérieur au sol. Pourtant, ça ne vous dit rien de sa capacité à être seul sereinement, de sa sociabilité face à l'humain et aux congénères, de son état de stress général en extérieur... Tout au plus, cela vous apprend que sur signal, il sait s'asseoir. Mais vraiment, partez du principe que cette demande ne sert à rien. Au lieu de ça, partagez un moment en balade à l'extérieur du refuge avec lui, observez sa communication, apprenez à la respecter aussi, passez un moment simple mais riche auprès de lui.
Lorsque vous irez le chercher, évitez le stress inutile en l'emmenant ici et là, au contraire allez chez vous et permettez-lui d'y poser ses bagages. Préparez des activités calmes, de quoi le faire redescendre en pression, baissez les lumières si nécessaire, faites en sorte d'aménager un environnement hypostimulant. Ne partez pas pour une longue balade, au lieu de ça faites des sorties en dehors des heures d'affluence durant lesquelles il pourra faire ses besoins qui ne seront pas forcément longues mais de qualité, de sorte à ce qu'il puisse prendre des odeurs et se déstresser. Ne lui mettez absolument aucune pression et restez avec lui les premiers temps, il en aura besoin pour mieux appréhender le concept de solitude dans ce nouvel environnement.
Renseignez-vous avant toute chose, avant même l'adoption dans le meilleur des cas, sur la communication canine. Apprenez qu'un chien communique une situation d'inconfort en se raidissant, en se détournant ou en fixant, voire en grognant (parmi une multitude d'autres signaux de communication). Ne punissez aucun de ces signaux car s'ils existent, c'est bien pour éviter d'en venir à une morsure. Au lieu de ça, demandez-vous en quoi la situation est éprouvante pour lui et agissez en conséquence. Ce chien nouvellement arrivé a « volé » quelque chose ? Oubliez le concept de « vol », il a simplement pris ce qui lui a semblé être à sa disposition. Rangez les objets auxquels il n'a pas droit mais rendez disponibles des mastications, des jouets, ce qui pourra lui permettre de s'occuper.
On évite de hausser le ton, de se montrer autoritaire, de lui mettre la pression : il n'a absolument pas besoin de ça (aucun chien d'ailleurs, qu'il vienne de refuge ou non). Au lieu de ça, faites en sorte d'aménager l'environnement pour qu'une situation ne se reproduise plus. S'il grogne quand vous le poussez du canapé, dites-vous que ce n'est jamais agréable de se retrouver acculé de cette façon dans un endroit où vous pensiez pouvoir vous reposer. Au lieu de ça, travaillez sur sa motivation à descendre d'un endroit spécifique et empêchez-en l'accès si vous ne souhaitez pas qu'il y monte de nouveau (ou mettez un plaid pour le protéger).
Plus vous monterez dans les tours à vouloir contrôler, à vouloir hausser le ton... Plus vous ferez monter votre chien en stress, lui qui déjà revient d'un endroit où ce dernier ne baissait jamais. Alors soit vous serez confronté(e) à un individu qui répondra de façon virulente, parce qu'il ne comprend absolument pas ce que vous cherchez à lui communiquer, soit vous ferez face au contraire à un chien qui s'éteindra complètement (et vous aurez alors l'impression d'avoir fait « ce qu'il fallait »). Prenez le parti de vous dire que peu importe comment votre chien se comporte, faire preuve d'autorité dans ces moments-là ne l'aidera pas. Votre chien, qui vient d'un refuge, d'un endroit bondé où il n'était jamais tranquille, n'a pas besoin qu'on le sermonne, qu'on le punisse, qu'on lui montre qu'on est en colère. Tout ça, il s'en fiche, lui ce qu'il cherche, c'est de pouvoir être serein dans un nouvel environnement qui sera à présent son quotidien. (Spoiler alert : non, il n'apprendra à gérer aucune émotion quelle qu'elle soit si son humain n'est pas déjà capable de gérer les siennes.)
Vous savez qu'une situation est difficile pour lui à l'heure actuelle ? Ne l'y mettez pas pour le moment. Le temps que le stress redescende suite à son passage en refuge correspond à sa sensibilité, au temps qu'il aura passé là-bas aussi. Il est fort probable que certains situations soient un vrai challenge à l'heure actuelle là où elles ne le seront plus une fois le stress redescendu d'ici quelques temps. Quelques semaines après son adoption, ou même avant si vous en ressentez le besoin, faites appel à un(e) professionnel(le) du comportement canin. Une personne compétente n'entamera aucun travail à proprement parler sur un chien nouvellement adopté, elle vous donnera néanmoins pas mal de clefs, aussi bien pour le comprendre que pour l'accompagner. Si des protocoles sont à commencer par la suite, ils seront possibles une fois que votre chien se sentira véritablement chez lui. Un cerveau ne peut rien apprendre en état de stress constant, tout au plus votre chien sera dans l'agression ou dans l'évitement. Il va donc falloir lui permettre de combler ses besoins et d'être serein, que ce soit dans sa relation à vous ou à son quotidien, avant de vouloir aller plus loin.
Adopter, c'est accueillir un individu pour ce qu'il est. C'est prendre conscience du stress infligé par la condition d'un chien en box pendant une durée indéterminée. C'est aussi et surtout se remettre en question et s'adapter pour mieux lui permettre de se rassurer.
© Toutougether - Nicoline Droogmans
06 36 10 04 84
Comments